- Cartographie animée: les violences au Mali de juillet 2011 à février 2016
- CARTE. Les événements de violence au Mali de janvier à février 2016.
- CARTE. Les événements de violence au Mali de septembre à décembre 2015.
- ANALYSE. Vacances gouvernementales et prise d'otage au Mali
- ANALYSE. Les groupes armés dans le gouvernement et la tenue des élections locales
CARTOGRAPHIE. Quand les Bostoniens redessinent les contours des quartiers de la ville
Par Florent Blanc.Bostonography est un projet cartographique développé par Alexis Woodruff et Tim Wallace. En se basant sur les données ouvertes par la mairie mais aussi par l’autorité locale des transports, les deux géographes entendent proposer de nouvelles façons de voir la ville. Par ailleurs, en proposant aux habitants de Boston de dresser eux-mêmes les limites des différents quartiers de la ville, Woodruff et Wallace font apparaître une cartographie humaine qui fait appel aux délimitations sociales pour compléter les limites politiques de la ville. Un projet à découvrir donc ici pour repenser demain nos conceptions des territoires urbains et de leur appréhension par ceux qui y vivent ou pas.
Le mouvement d’ouverture des données publiques (dont nous avons déjà parlé dans ces colonnes et dont nous reparlerons très bientot avec la publication d’une note technique) permet aux géographes et aux férus de développement informatique de mettre au point les nouvelles applications révélant la ville et les territoires sous un jour nouveau. En croisant les jeux de données – état du trafic en temps réel et géopositionnement des services hospitaliers par exemple -, il devient possible, grâce à un smartphone ou à un site web, de déterminer le trajet le plus court.
Libération des données
La création de ces nouveaux services, qui vont de l’utile au gadget reconnaissons-le, n’est possible que si la créativité des individus peut rencontrer la mise à disposition d’ensembles de données détenus, dans le cas des villes, le plus souvent en grande partie par les différents services des collectivités. L’open data, est le mouvement qui de Washington à Bruxelles, en passant par Mexico et même le Kenya, vise à encourager les autorités à ouvrir leurs données et à en permettre la réutilisation à des fins créatrices. C’est cette décision d’ouvrir les données municipales qui a suscité chez Woodruff et Wallace l’envie de proposer, aux habitants de Boston des visualisations allant de la localisation des cimetières à celle des établissements autorisés à vendre de l’alcool.
Redessiner les frontières de la ville
De toutes les cartes proposées, celle qui a piqué notre curiosité est sans détour celle des frontières des quartiers de la ville. Réalisée en crowdsourcing, c’est-à-dire grâce aux contributions des habitants de Boston ayant accepté de contribuer à ce projet, la carte présente des résultats fascinants. Le fond de carte de la ville est marbré de zones bleutées d’intensité différentes. Chaque quartier de la ville est ainsi représenté par un fond de carte et trois teintes de bleu qui marque le degré de consensus sur les limites géographiques. Les zones les plus pâles représentent les territoires ne recueillant que 25% de consensus, les plus foncées celles qui recueillent 75% d’avis identiques. On remarque que si certaines délimitations sont sujettes à controverse, d’autres sont nettes. Ces dernières suivent dans la plupart des cas des grands axes routiers ou des délimitations naturelles comme une rivière.
Après avoir compilé près de 300 contributions et en avoir tiré cette carte, les auteurs s’interrogent sur ce qui « fait » un quartier de la ville. Sans aller plus avant, ils proposent l’idée selon laquelle, bien entendu, un quartier ne peut être seulement défini par une limite topographique mais que les désaccords révèlent l’influence de données sociales et historiques, la trace d’un héritage qui divise la ville selon des professions, des communautés mais aussi une identité transmise par l’histoire orale.
Et si on faisait la même chose ici?
Si nous allons sans aucun doute suivre avec grand intérêt l’évolution de ce projet, c’est aussi parce que le concept de frontière et de limite, au sein même de la ville, nous ramène aux travaux d’Elodie Veyrier sur le quartier Très-Cloîtres de Grenoble et de la suite que l’Ecole de la paix entend lui donner. Tant Elodie Veyrier que Rodrigo Maranhao ont évoqué, dans les projets qu’ils ont menés récemment, la notion de frontière invisible qui délimite des espaces de manière informelle et dont les habitants, consciemment ou non, respectent scrupuleusement les tracés en choisissant leurs modes de déplacement.
Ces frontières, dont l’analyse à Grenoble, reste en cours, sont la conséquence des représentations d’un imaginaire où se mêlent une partie de l’histoire réelle, les légendes, la mémoire des faits divers, l’impact de l’urbanisme et la perception sociale des lieux d’habitat.
Pour ces raisons, le projet Bostonography présente l’attrait d’une cartographie (re)dessinée par les habitants. On se prend à penser que l’Ecole de la paix, en partenariat peut-être avec l’Ecole d’Urbanisme ou l’Institut de Géographie Alpine pourrait se saisir cette opportunité.